Suite à l’attaque à Arras : en deuil et en colère, mais lucides sur les récupérations en cours !
Trois ans après le meurtre de notre collègue Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine et huit mois après celui du notre collègue Agnès Lassalle à St-Jean-de-Luz, la communauté éducative est une nouvelle fois plongée avec horreur dans le deuil suite à l’attaque de vendredi matin dans un établissement scolaire d’Arras. Notre collègue, Dominique Bernard, s’est interposé pour protéger les élèves. Il a été mortellement frappé au couteau et trois autres personnes ont été blessées.
Sud éducation 64-40 exprime son effroi face à cette attaque meurtrière et adresse ses sincères condoléances aux proches, aux collègues, aux élèves, à la famille de notre collègue. Le traumatisme est grand pour la communauté éducative de Arras mais aussi pour nous tou·te·s : l’école devrait être un lieu de transmission des savoirs, d’échanges et de débats critiques et non un champ de batailles.
Les propositions du ministre sont insuffisantes : nous avons besoin de temps et de moyens supplémentaires
Le ministre a envoyé dans le week-end, à tous les personnels, un mail pour banaliser deux heures lundi matin dans le second degré pour que les collègues se retrouvent avant de recevoir les élèves. Aucune mesure n’est prise pour les collègues du premier degré pour échanger avant la reprise des élèves, hormis une réunion, en dehors du temps de travail et après accueil des élèves. Une minute de silence sera observée l’après-midi. Et après ?
L’actualité récente du 64 montre que l’éducation nationale est incapable de prendre les mesures simples de prévention pour protéger ses agents. Faut-il rappeler que l’assassinat de notre collègue de St-Jean-de-Luz, en février dernier, aurait pu être évité si une véritable médecine scolaire ainsi qu’un véritable soutien socio-éducatif avaient pu être apportés tout au long de l’année ?
Sud éducation 64-40 invite tous les personnels à utiliser ces heures banalisées pour s’organiser, discuter, éprouver collectivement ce nouveau deuil et partager les craintes comme les revendications. Le syndicat soutiendra toutes les initiatives de débrayages ou de grève, de refus de reprendre le travail comme si de rien n’était.
On ne construit pas l’unité sur l’effroi et la colère
Gabriel Attal appelle une fois de plus à l’union nationale, à ne « rien laisser nous diviser » mais comment pourrions-nous « faire bloc » avec ceux qui chaque jour cassent un peu plus le système d’éducation ? Le gouvernement veut faire de la journée de lundi une célébration du métier d’enseignant. Nous ne sommes pas dupes et refusons que les responsables de notre souffrance au travail « nous » célèbrent.. Ils bafouent l’égalité de traitement, nos conditions de travail et ont mis en place un système destructeur de répression des collègues comme nous l’avons vu récemment à Marseille, Saint Denis ou encore Amiens.
Comment pourrions-nous faire l’union sacrée avec ceux qui ont introduit l’année par une offensive islamophobe, raciste et sexiste, attisant la haine sur le terrain de l’école et permettant le déchaînement de violence de l’extrême-droite ? Nous œuvrons chaque jour à faire l’unité malgré les obstacles semés par ceux-là mêmes qui nous y invitent aujourd’hui, ceux qui rendent le quotidien des travailleurs de l’éducation et l’accueil des élèves toujours plus difficile voir impossible ?
On ne fabrique pas l’unité du jour au lendemain. L’unité se construit au quotidien dans nos établissements et non par les vœux pieux d’un gouvernement qui sacrifie depuis des années notre vision d’une école émancipatrice, inclusive et de justice sociale.
Nos émotions et nos larmes sont sincères. Mais, nous ne sommes plus dupes des larmes de crocodiles du gouvernement. Notre colère contre ce gouvernement n’empêche pas notre deuil et sidération face à la violence de ces événements.
Nous ne déroulerons pas le tapis rouge aux idées racistes et fascistes : non à l’instrumentalisation de notre deuil !
Ce meurtre est un nouveau coup de semonce, après une rentrée difficile et sous tensions. Nous condamnons toutes les idées réactionnaires, toutes religions confondues (au nom de l’islam, ou du catholicisme qui s’attaquent aux collègues menant des projets lgbtqi+). L’école doit être un lieu où personne, élèves comme personnels, ne doit subir de la violence.
Alors que nous devrions être dans le recueillement et la solidarité, un autre sentiment nous habite : celui de la peur de la récupération de cet événement. Nous refusons de céder une nouvelle fois au chantage du gouvernement, assimilant toute critique à une atteinte aux valeurs de la République. Nous refusons de nourrir les politiques fascistes et islamophobes, s’attaquant une fois de plus à certain·es de nos collègues, de nos élèves et de leurs familles.
Nous refusons que les AED se transforment en vigiles et fouillent les sacs : cette mesure ne rentre pas dans leurs missions et en plus peut les mettre en danger.. Nous refusons de participer à une méfiance généralisée vis-à-vis de nos élèves qui ne contribuera qu’à détériorer le climat scolaire et la relation éducative. Nous rejetons toute logique de fichage des élèves, exprimant un rejet de la minute de silence et préférant d’autres formes de recueillement, Nous ne serons pas les auxiliaires dociles des obsessions racistes et autoritaires du gouvernement.
En menant une politique raciste islamophobe, le gouvernement a fait de l’éducation nationale, le terrain d’une guerre de classe et de race dont nous refusons d’être la chair à canon. Nous appelons à l’abrogation des lois sécuritaires et racistes faisant de nos écoles un lieu de répression : abrogation de la loi sur les signes religieux de 2004 ; abrogation de la loi de sécurité globale. Nous maintenons nos revendications de régularisation immédiate de tous les sans papiers, avec un accueil digne des élèves concerné.e.s et de leurs familles. Ces récents événements prouvent de nouveau l’impasse dans laquelle conduisent une éternelle et inutile escalade sécuritaire.
C’est avec des moyens ambitieux alloués à l’éducation nationale que nous pourrons espérer faire reculer les obscurantismes. C’est cette exigence de justice, de paix dans nos établissements qui guident nos positions.
- Sud éducation dénonce les récupérations racistes, en particulier islamophobes, de ce meurtre et se tiendra aux côtés des élèves, familles et personnels qui subiraient des mesures et propos discriminatoires.
- Sud éducation dénonce le gouvernement qui en profite pour défendre son projet politique anti-social : refus des critiques sur les violences policières ; propagande sur son futur projet de loi sur l’immigration qui va permettre une expulsion plus grande des élèves migrant.e.s. et sans papiers ; amalgame dangereux entre soutien à la Palestine et antisémitisme ; vision raciste de la laïcité.
- Sud éducation dénonce un communiqué récupérateur qui défend « une école debout » alors que toutes les politiques éducatives menées n’ont de cesse de mettre l’école publique plus bas que terre, avec un niveau de souffrance au travail inquiétant.
Nous sommes en deuil, nous sommes en colère. Malgré cela nous restons déterminé·es à défendre notre vision pour l’école.